Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a annoncé une « nouvelle phase »…
La BEAC réinvente la monnaie en Afrique centrale : entre modernisation et défis du quotidien

Dans un geste qui marquera l’histoire économique de la sous-région, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a officiellement lancé ce mardi sa nouvelle gamme de pièces de monnaie « type 2024 ». Une révolution monétaire qui tombe à pic pour les six pays de la CEMAC, où la pénurie chronique de petite monnaie paralysait depuis des mois les transactions du quotidien.
Un lancement sous haute surveillance
Depuis le siège de la BEAC à Bangui, le gouverneur Yvon Sana Bangui a procédé à une mise en circulation aussi symbolique que technique. Par visioconférence devant les directeurs nationaux des banques centrales, il a détaillé les spécificités de ces nouvelles pièces : alliages plus résistants, marquages anti-contrefaçon sophistiqués et surtout – innovation majeure – une pièce de 200 FCFA qui vient compléter la gamme existante. « Cette réforme n’est pas qu’une réponse technique, c’est un outil de souveraineté économique », a-t-il martelé devant les caméras.
Soulagement sur les marchés
À Brazzaville comme à Douala ou Libreville, l’annonce a été accueillie avec un soulagement palpable. Dans le marché Total de Bacongo, scène de nombreuses altercations liées au manque de monnaie, les réactions fusent : « Enfin ! », s’exclame Mama Nkounkou, vendeuse de tomates depuis vingt ans. « La semaine dernière encore, j’ai dû donner des bonbons faute de pièces pour rendre la monnaie. » Même son de cloche du côté des transporteurs, pourtant réticents face à la nouvelle pièce de 200 FCFA : « Au moins maintenant, on pourra faire l’appoint correctement », concède un chauffeur de taxi-moto à Kinshasa.
La pièce de 200 FCFA, cadeau empoisonné ?
Si l’initiative globale est saluée, l’introduction de la pièce de 200 FCFA soulève des inquiétudes légitimes. Alphonse Ndongo, économiste camerounais, tire la sonnette d’alarme : « Dans un secteur comme le transport urbain où les tarifs sont actuellement de 150 ou 250 FCFA, cette pièce va mécaniquement pousser à arrondir les prix. » Une crainte partagée par les associations de consommateurs, qui promettent une vigilance accrue.
Un plan de bataille monétaire ambitieux
La BEAC ne fait pas les choses à moitié. Avec un plan d’injection progressif – 500 millions de FCFA cette année, 3 milliards d’ici 2030 – l’institution veut inonder le marché pour en finir avec les pénuries. « Nous avons calibré les quantités en fonction des besoins réels de chaque pays », explique un cadre de la BEAC sous couvert d’anonymat. Des camions blindés ont déjà commencé à approvisionner les banques commerciales dans toute la sous-région.
« L’enjeu n’est pas seulement d’imprimer des pièces, mais de recréer la confiance dans la monnaie physique », analyse un expert financier congolais.
Une réponse à la digitalisation galopante
Paradoxalement, cette initiative pro-cash intervient alors que les paiements mobiles explosent dans la région. « C’est justement pour rééquilibrer le système, explique un cadre de la BEAC. La monnaie physique reste vitale pour 60% de la population non bancarisée. »
Dans les jours à venir, les équipes de la BEAC vont sillonner les marchés pour expliquer les caractéristiques des nouvelles pièces. Un travail de pédagogie crucial pour que cette réforme technique devienne une véritable révolution du quotidien pour des millions d’Africains centraux.