Avec ses 1 240 192 km² (deux fois la France), le Mali est le géant…
Tchad : Le gardien du Sahel

S’étendant sur 1,28 million de km² au cœur de l’Afrique, le Tchad occupe une position géostratégique cruciale à la charnière entre l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Cette nation de 17,9 millions d’habitants, caractérisée par son immensité et sa diversité, assume aujourd’hui le rôle complexe de sentinelle du Sahel face aux multiples défis sécuritaires qui menacent la région.
Géographie contrastée
Le territoire tchadien présente une extraordinaire diversité de paysages, structurés en trois grandes zones climatiques :
Le désert saharien au nord, couvrant près de la moitié du pays, où les massifs du Tibesti culminent à 3 415 mètres au Pic Emi Koussi
La bande sahélienne au centre, zone de transition semi-aride où se pratique l’élevage nomade
Les savanes soudaniennes au sud, plus arrosées et propices à l’agriculture
Au cœur de cette géographie se trouve le lac Tchad, autrefois l’un des plus grands lacs d’Afrique. Partagé entre quatre pays (Tchad, Niger, Nigeria, Cameroun), ce lac peu profond a perdu plus de 90% de sa superficie depuis les années 1960, passant de 25 000 km² à environ 2 000 km² aujourd’hui. Cette catastrophe écologique, conséquence du changement climatique et de la surexploitation des ressources en eau, affecte directement les moyens de subsistance de millions de personnes dans le bassin tchadien.
Mosaïque ethnique et culturelle
La population tchadienne, relativement peu nombreuse au regard de l’immensité du territoire, forme une mosaïque ethnique exceptionnelle avec plus de 200 groupes distincts :
Au nord et au centre : populations nomades ou semi-nomades d’origine arabe, toubou et zaghawa, majoritairement musulmanes
Au sud : populations sédentaires sara, ngambaye et moundang, majoritairement chrétiennes ou animistes
Cette diversité se reflète dans le paysage linguistique du pays : si le français et l’arabe sont les deux langues officielles, plus de 120 langues et dialectes sont parlés quotidiennement. Cette richesse culturelle s’exprime également à travers :
Des traditions musicales variées, du balafon aux tambours sacrés
Un artisanat d’excellence dans le travail du cuir, la vannerie et l’orfèvrerie
Des architectures traditionnelles adaptées aux différents environnements, des tentes nomades aux cases obus du pays mousgoum
Le mode de vie nomade, encore pratiqué par environ un tiers de la population, constitue un patrimoine culturel unique. Ces populations perpétuent des savoirs ancestraux liés à la transhumance, à la gestion durable des ressources naturelles et à la médecine traditionnelle.
Économie fragile et richesses inexploitées
L’économie tchadienne repose sur trois piliers principaux :
Le pétrole, découvert dans les années 1970 mais exploité commercialement seulement depuis 2003, qui représente environ 70% des exportations
L’élevage, avec un cheptel estimé à plus de 94 millions de têtes (bovins, ovins, caprins, camelins)
L’agriculture, dominée par des cultures vivrières (mil, sorgho, riz) et d’exportation (coton)
Classé parmi les pays les moins avancés, le Tchad fait face à d’immenses défis économiques : un PIB par habitant parmi les plus bas du monde (environ 700 dollars), un indice de développement humain qui le place au 186e rang sur 191 pays, et une économie vulnérable aux chocs extérieurs, notamment la volatilité des cours du pétrole.
Pourtant, le pays dispose de ressources considérables encore largement inexploitées :
Un potentiel minier important (or, uranium, tungstène, étain)
Des terres arables abondantes, particulièrement dans le sud
Un potentiel énergétique solaire exceptionnel dans les régions désertiques
Une biodiversité remarquable, atout pour un écotourisme durable
L’enclavement géographique reste néanmoins un obstacle majeur au développement économique : le port le plus proche, Douala au Cameroun, se trouve à plus de 1 700 km de N’Djamena, la capitale.
Histoire politique mouvementée
Depuis son indépendance de la France en 1960, le Tchad a connu une histoire politique tourmentée, marquée par :
La guerre civile (1965-1979)
L’intervention libyenne et le conflit avec la Libye pour la bande d’Aouzou (1978-1987)
La dictature d’Hissène Habré (1982-1990), marquée par de graves violations des droits humains
Le long règne d’Idriss Déby Itno (1990-2021)
La mort au combat du président Déby en avril 2021, après plus de 30 ans au pouvoir, face à des rebelles du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT), a ouvert une période d’incertitude. Son fils, Mahamat Idriss Déby, a pris la tête d’un Conseil militaire de transition, promettant un retour à l’ordre constitutionnel. Cette transition, initialement prévue pour 18 mois, a été prolongée de 24 mois supplémentaires en octobre 2022, suscitant des manifestations violemment réprimées.
Rôle stratégique régional
Le Tchad s’est imposé comme un acteur incontournable de la sécurité régionale :
Pilier de la force conjointe du G5 Sahel (avec le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie et le Niger) jusqu’à sa sortie en 2022
Partenaire clé des puissances occidentales, notamment la France (opération Barkhane) et les États-Unis, dans la lutte contre les groupes djihadistes
Contributeur important aux opérations de maintien de la paix de l’ONU au Mali et ailleurs
L’armée tchadienne, considérée comme l’une des plus aguerries de la région, a joué un rôle déterminant dans la lutte contre Boko Haram dans le bassin du lac Tchad et contre les groupes armés au Mali et au Niger. Cette posture de « gardien du Sahel » a valu au pays un soutien international important, malgré les déficits démocratiques pointés par les organisations de défense des droits humains.
Conservation de la biodiversité : un modèle de réussite
Au milieu des défis sécuritaires et politiques, le Parc national de Zakouma représente une rare histoire de succès en matière de conservation. Situé dans le sud-est du pays, ce parc de 3 000 km² était menacé par un braconnage intensif qui avait réduit sa population d’éléphants de 4 000 à moins de 450 individus entre 2002 et 2010.
Depuis la prise en charge de sa gestion par African Parks (ONG spécialisée dans la conservation) en 2010, Zakouma a connu un redressement spectaculaire :
La population d’éléphants a augmenté pour la première fois en décennies, dépassant les 600 individus
Le braconnage a été pratiquement éliminé
Les communautés locales sont intégrées dans la gestion du parc
L’écotourisme se développe, créant des emplois et des revenus durables
Cette renaissance de Zakouma, qui abrite également d’importantes populations de lions, de girafes kordofan et d’antilopes rares, symbolise la résilience d’un pays capable de transformer ses défis en opportunités.
Défis et perspectives
Le Tchad fait face à des défis colossaux qui menacent sa stabilité et son développement :
L’insécurité liée aux groupes djihadistes dans la région du lac Tchad et aux frontières avec la Libye et le Soudan
Les effets du changement climatique, avec la désertification qui avance à un rythme alarmant
La croissance démographique (3,6% par an), l’une des plus élevées au monde
La dépendance au pétrole dans un contexte de transition énergétique mondiale
Pour surmonter ces obstacles, le pays mise sur plusieurs stratégies :
La diversification économique, notamment à travers le développement des énergies renouvelables
Le renforcement des infrastructures de transport pour désenclaver le territoire
L’amélioration de l’accès à l’éducation, particulièrement pour les filles
La valorisation du potentiel agricole face aux enjeux d’insécurité alimentaire
Le Tchad, avec sa jeunesse représentant plus de 65% de la population, dispose d’un formidable capital humain pour relever ces défis, à condition que la transition politique en cours débouche sur une gouvernance plus inclusive et démocratique.
Sentinelle du Sahel aux traditions millénaires, le Tchad demeure un territoire de contrastes où se joue une partie cruciale pour l’avenir de toute la région sahélienne.RetryClaude can make mistakes. Please double-check responses.